Sauf exceptions, quand le bailleur ne renouvelle pas le bail commercial, il doit verser au locataire une indemnité d'éviction.
Indemnité d'éviction : réservée aux baux commerciaux
L'indemnité d'éviction concerne les baux commerciaux.
Si le bailleur refuse de renouveler le bail commercial portant sur des locaux commerciaux, ou s'il reprend ces locaux, ledit bailleur doit verser au locataire une indemnité d'éviction (article L. 145-14 du Code de commerce).
Bon à savoir : le locataire est également appelé le preneur.
À noter : lorsque la propriété du bien donné en location est démembrée, l’usufruitier peut mettre fin au bail et notifier au preneur, sans le concours du nu-propriétaire, un congé avec refus de renouvellement. L’usufruitier a donc seul la qualité de bailleur et doit assumer le versement ou non de l’indemnité d’éviction qui est à sa seule charge (Cass. 3e civ., 19 décembre 2019, n° 18-26.162).
Aucune d'indemnité d'éviction dans certains cas
Toutefois, l'indemnité d'éviction n'est pas due dans certains cas.
Motif grave et légitime
L'indemnité n'est pas due si elle n'est pas versée en raison d'un motif grave et légitime (article L. 145-17 du Code de commerce). Toutefois, si ce motif est l'inexécution d'une obligation ou la cessation de l'exploitation du fonds sans raison sérieuse et légitime, le comportement du preneur ne peut être invoqué par le bailleur que s'il s'est poursuivi ou renouvelé plus d'un mois après mise en demeure d'avoir à faire cesser ce comportement.
Sous peine de nullité, la mise en demeure doit être effectuée par acte extrajudiciaire. Elle doit préciser le motif invoqué par le bailleur. Elle doit aussi reproduire les termes du premier alinéa de l'article L. 145-17 du Code de commerce
Démolition et/ou insalubrité de l'immeuble
L'indemnité d'éviction n'est pas due s'il est prouvé que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli parce qu'en état d'insalubrité reconnue par l'administration. Il n'y a pas non plus d'indemnité s'il est établi que l'immeuble ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.
Reconstruction d'un nouvel immeuble
Le preneur ne touche pas d'indemnité d'éviction en cas de reconstruction d'un nouvel immeuble par le propriétaire ou son ayant droit, si cet immeuble comprend des locaux commerciaux. Dans ce cas, le preneur a un droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit.
Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail commercial pour construire ou reconstruire l'immeuble existant. Il doit alors verser l'indemnité d'éviction au preneur évincé. Il en est de même si certains travaux nécessitant l'évacuation des occupants doivent être entrepris.
Cependant, dans ces deux cas, l'indemnité d'éviction peut ne pas être versée si le bailleur offre au locataire évincé un local correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Ce local doit être situé dans un emplacement équivalent à celui du local précédent (article L. 145-18 du Code de commerce).
Éventuellement, le locataire relogé peut percevoir une indemnité pour compenser la privation temporaire de jouissance de son fonds et la moins-value de son fonds. De plus, il doit alors être remboursé de ses frais de déménagement et d'emménagement.
Article
Si le locataire accepte les nouveaux locaux, il doit le faire savoir, dans les trois mois, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec accusé de réception. S'il refuse les nouveaux locaux, il doit, dans les trois mois, saisir la justice.
Montant de l'indemnité d'éviction
Principe
L'indemnité d'éviction doit compenser l'intégralité du préjudice causé par l'éviction. Elle couvre notamment la valeur marchande du fonds de commerce.
Cette valeur marchande doit être déterminée suivant les usages de la profession. Elle doit éventuellement être augmentée des frais normaux de déménagement et de réinstallation.
Éventuellement, elle doit aussi être augmentée des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur. Toutefois, le propriétaire peut payer une indemnité d'éviction moindre s'il prouve que le préjudice est moindre.
L'indemnité d'éviction est plus importante si le preneur perd sa clientèle. Il perçoit alors une indemnité de remplacement. Par contre, si son déplacement ne lui fait pas perdre sa clientèle habituelle, il perçoit une indemnité correspondant au simple déplacement. On parle alors d'indemnité de déplacement ou de transfert.
Article
Si le bailleur et le preneur ne sont pas d'accord, l'affaire risque d'aller devant les tribunaux. Un expert peut alors être nommé. Si un tribunal est saisi et fixe l'indemnité d'éviction, en principe le bailleur dispose d'un délai de repentir. Il a quinze jours pour décider finalement de renouveler le bail commercial. Il faut toutefois que le preneur n'ait pas déjà quitté le local commercial pour s'installer dans un autre.
Bon à savoir : en principe, une fois qu'il a perçu l'indemnité d'éviction, le preneur a trois mois pour quitter le local.
Indemnité d'éviction et clause d'accession gratuite
Le bail peut prévoir que, en fin de bail, le bailleur devient propriétaire des aménagements réalisés par le locataire, sans indemnité pour ce dernier. Il s'agit d'une clause d'accession. Le fait que le bail comporte une clause d'accession ne prive pas le locataire de son droit à une indemnité d'éviction. L'indemnité d'éviction est calculée en tenant compte des frais normaux de réinstallation dans un nouveau local.
Même en présence d'une clause d'accession sans indemnité, le locataire est en droit de demander une indemnité au titre des frais engendrés par l'installation dans un nouveau local comportant des aménagements et équipements similaires à ceux qu'il avait réalisés dans l'ancien local qu'il a été contraint de quitter (Cass. 3e civ., 13 septembre 2018, n° 16-26.049).
Pas d'éviction sans indemnité
Le preneur qui peut prétendre à l'indemnité d'éviction ne peut pas être obligé de quitter les lieux avant d'avoir reçu cette indemnité (article L 145-28 du Code de commerce).
Jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, il a droit au maintien dans les lieux, dans les conditions prévues par le bail de location expiré. Il doit cependant payer une indemnité d'occupation.
À noter : le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation fondée sur l’article L. 145-28 du Code de commerce se situe au jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du locataire au bénéfice d’une indemnité d’éviction, et ce même si, ultérieurement, le bailleur a exercé son droit de repentir (Cass., 3e civ., 18 janvier 2018, n° 16-27.678).