Lorsqu'un propriétaire loue un bien, il paye certaines charges, directement ou au syndic d'une copropriété, dont il peut ensuite demander le remboursement à son locataire, en plus du loyer, d'où les termes de « charges locatives » ou « charges récupérables ».
Dans le cadre d'une location à titre de résidence principale de locaux d'habitation en vide ou en meublé, la régularisation des charges locatives est très réglementée par la loi du 6 juillet 1989. Pour toutes les autres locations – résidences secondaires, logements de fonction, garages – l'application de la loi du 6 juillet 1989 n'est pas obligatoire. Le propriétaire peut donc mettre dans le bail ce qu'il veut, en accord avec le locataire. Il peut cependant utiliser le même procédé que celui de la loi de 1989. C'est celui qui est détaillé dans cette fiche.
Voici comment un propriétaire peut récupérer des charges locatives auprès du locataire.
Zoom sur les charges locatives
Définition des charges locatives
Les charges locatives sont définies par l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 comme étant des charges récupérables car elles sont la contrepartie :
- des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée ;
- des dépenses d'entretien courant et de menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée.
Cette contrepartie est payée par le propriétaire mais il peut récupérer les charges locatives auprès du locataire en même temps que le paiement du loyer.
Charges locatives Lire l'articleComment distinguer les charges locatives de celles restant à la charge du propriétaire ?
Il existe deux listes, l'une concernant les charges locatives et l'autre les réparations locatives, fixées par les décrets n° 87-713 et n° 87-712 en date du 27 août 1987.
Réparations locatives Lire l'articleCes charges très détaillées concernent toutes les dépenses liées aux postes suivants :
- les ascenseurs (électricité, menues réparations de la cabine, etc.) : en général, il s'agit dans un immeuble collectif des frais concernant le contrat d'entretien de l'ascenseur ;
- l'eau froide et chaude et le chauffage collectif des locaux privatifs et des parties communes ;
- les installations individuelles (eau chaude et eau froide, menues réparations, etc.) ;
- les parties communes à l'intérieur du bâtiment (électricité, produits d'entretien, minuterie, etc.) ;
- les espaces extérieurs au bâtiment (notamment l'entretien des espaces verts, etc.) ;
- l'hygiène : produits, sacs plastique, etc. ;
- les équipements divers du bâtiment (ramonage, ventilation mécanique, entretien digicode, etc.) ;
- l'imposition et la redevance : il s'agit essentiellement de la taxe d'ordure ménagère et de la taxe de balayage.
Il faut systématiquement relire le décret car il explicite en détail les 8 postes évoqués ci-dessus sur 4 pages.
Attention : les charges locatives sont limitativement énumérées par ces décrets, c'est-à-dire que le propriétaire ne peut pas demander au locataire le paiement d'une charge qui n'y serait pas mentionnée.
Bon à savoir : les dépenses correspondant à la rémunération du gardien ou du concierge sont exigibles au titre des charges récupérables à concurrence de 40 % de leur montant lorsqu’il assure seul l’élimination des déchets ou l’entretien des parties communes (Cass, 3e civ., 8 mars 2018, n° 17-11985).
1. Comprendre la répartition des charges locatives
Une fois que la liste des charges est établie, il faut savoir comment celles-ci sont réparties. C'est notamment dans les immeubles collectifs en copropriété ou avec un propriétaire unique que se pose le problème des dépenses concernant les parties communes du bâtiment. C'est le propriétaire qui va régler toutes les charges puis, selon la nature des dépenses, les attribuer ou non au locataire.
Les charges locatives en copropriété
- Il s'agit des charges relatives à l'utilisation des parties communes et aux services dont profite directement le locataire en copropriété tels que l'ascenseur, l'entretien des escaliers, les espaces verts.
- Dans un immeuble en copropriété, la liste et la répartition des charges locatives sont prises en charge par le syndic de l'immeuble en fonction du décret du 27 août 1989 et sur la base des tantièmes de copropriété du lot loué.
- Dans le relevé des charges de copropriété, le logiciel utilisé par les syndics pour établir le décompte individuel annuel des charges de la copropriété prévoit une rubrique appelée « charges locatives » ou « charges récupérables », parfois mentionnée par un L ou un R. C'est la somme indiquée à cette rubrique qu'il faut prendre en compte pour connaître le montant récupérable sur le locataire.
Attention : si vous louez un appartement avec parking et garage, il ne faut pas oublier de récupérer les charges locatives du lot appartement et celles des lots garage et parking ! En revanche, si vous avez trois appartements dans la copropriété et que le syndic ne distingue pas les 3 lots, vous ne devez récupérer les charges locatives que pour le lot que vous louez.
Les charges locatives dans un immeuble avec un propriétaire unique
- Dans ce cas de figure, le propriétaire est seul propriétaire de l'immeuble collectif.
- La liste des charges locatives est toujours celle du décret du 27 août 1989, mais se pose le problème de la répartition des charges dans la mesure où les tantièmes de copropriété n'existent pas. La seule règle à suivre est fixée par la jurisprudence : la répartition doit être égale pour tous et ne doit pas être modifiée d'une année sur l'autre.
- En pratique, le propriétaire établit une répartition au prorata de la surface du logement, ce qui est le plus simple et le plus équitable.
Exemple : dans le cas d'un immeuble avec une surface totale habitable de 320 m² et un appartement de 53 m² loué à Mme Ampaire, la facture d'électricité de 387 € pour les parties communes de l'immeuble sera répartie comme suit : 387 € x 53 m² / 320 m² = 64,09 €.
Bon à savoir : le propriétaire d'immeuble peut également faire établir des tantièmes pour chaque lot, comme c'est le cas en copropriété, c'est ce qui est le plus équitable pour tous.
Les charges locatives dans une maison
- Il n'y a dans ce cas de figure pas de partie commune, mais il peut éventuellement exister un espace commun à plusieurs maisons.
- Par conséquent, les charges locatives vont se limiter aux services dont profite le locataire. Il s'agira essentiellement de la taxe d'ordure ménagère. Les autres charges comme l'eau, l'électricité ou le gaz seront réglées directement par le locataire car lui seul dans la maison en profite, elles n'ont donc pas lieu d'être récupérées.
2. Calculez le montant de la provision pour charges et celui des charges réelles
Pour satisfaire à son obligation de paiement des charges locatives, le locataire doit verser au propriétaire une provision pour charges. C'est parce qu'il s'agit d'une provision versée que le propriétaire doit la régulariser.
Évaluez le montant de la provision pour charges
Pour faciliter le paiement des charges par le locataire et ne pas attendre les comptes réels à chaque dépense, la loi oblige au versement d'une provision sur charges lorsque le propriétaire loue un logement d'habitation vide. Ce montant de charges est donc provisoire et il devra être régularisé en fonction du montant des charges réellement payées par le propriétaire. Le montant de la provision pour charges est décidé par le propriétaire avec le montant du loyer au moment de la signature du contrat de location. Le propriétaire n'a pas l'obligation de fournir un document justifiant le montant de cette provision.
Le montant de la provision évaluée par le propriétaire s'apprécie en additionnant le montant des charges locatives mentionnées dans le relevé annuel du décompte individuel de charges si vous êtes en copropriété avec le montant de la taxe d'ordure ménagère indiquée sur votre taxe foncière, puis en divisant le tout par 12, pour obtenir une provision mensuelle. Les demandes sont donc justifiées par le résultat antérieur arrêté lors de la précédente régularisation.
Exemple : pour l'année 2015, il y a 852 € de charges locatives annuelles en copropriété + 127 € de taxe d'ordure ménagère = 979 € / 12 mois, soit une provision de 81,58 € que l'on peut arrondir à 85 €. Vous pourrez demander pour février 2016 un loyer de 800 €, par exemple, et une provision pour charges de 85 €, soit un loyer de 885 € par mois.
Attention : il est interdit de demander un forfait de charges à votre locataire, sauf si vous louez un local d'habitation meublé. En effet, le forfait de charges est définitif et ne peut être régularisé. Si le montant des charges réelles est inférieur au forfait, tant mieux pour le propriétaire, s'il est supérieur, tant pis pour lui.
Définissez le montant des charges réelles
Puisque le propriétaire demande une provision au locataire, il doit, lorsqu'il prend connaissance du montant réel des charges locatives, comparer le montant réellement payer par lui et la provision versée par le locataire :
- Si le montant de la provision annuelle était inférieur au montant des charges réelles, le locataire devra verser au propriétaire le complément.
- S'il était supérieur, le propriétaire devra restituer au locataire le surplus.
Exemple : soit un locataire qui a versé 90 € mensuel de provision sur charges en 2015, ce qui donne 1080 € pour l'année entière. Soit un montant de charges locatives réelles payé par le propriétaire de 1205 € (1010 € de charges locatives au syndic et 195 € de taxe d'ordure ménagère). La régularisation consiste pour le propriétaire à demander au locataire 125 € de complément (1205 € - 1080 €).
Exemple : si le locataire verse une provision de 935 € et que le montant des charges réelles est de 820 €, le propriétaire devra rendre 115 € au locataire (935 € - 820 €).
Astuce : si le montant des charges réelles est supérieur à la provision versée, le propriétaire pourra augmenter le montant de la provision afin qu'elle se rapproche du montant des charges réelles.
3. Demandez la récupération des charges locatives
Afin que la régularisation ne soit pas contestable par le locataire, le bailleur doit suivre une procédure bien particulière pour récupérer les charges lorsqu'il prend connaissance des charges réelles. Elle doit être faite une fois par an, sans plus de précision dans la date, sachant que si le propriétaire ne l'a pas faite une fois par an, il peut revenir jusqu'à 3 ans en arrière. Les différentes étapes sont prévues par l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989.
Communiquez le décompte par nature de charges au locataire
Un mois avant la régularisation des charges locatives, le bailleur communique au locataire :
- le décompte par nature de charges (frais d'entretien, eau, électricité, contrat d'entretien de l'ascenseur, etc.) ;
- et, pour les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires (au prorata de la surface, par exemple ; en copropriété il s'agit des tantièmes).
Bon à savoir : depuis le 25 octobre 2020, lorsque l'immeuble est équipé d'une installation centrale de chauffage, de froid ou d'eau chaude sanitaire et qu'il est muni des dispositifs d'individualisation des frais télé-relevables, le bailleur doit transmettre au locataire (semestriellement ou trimestriellement sur demande du locataire, puis mensuellement à compter du 1er janvier 2022) une évaluation de la consommation de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire de son local privatif (décret n° 2020-886 du 20 juillet 2020).
Envoyez un courrier expliquant la régularisation des charges locatives
- Le bailleur doit ensuite envoyer au locataire un courrier expliquant la régularisation le plus précisément possible afin d'éviter les contestations. Aucun formalisme n'est requis, mais nous vous conseillons de l'envoyer en lettre recommandée. Il s'agit simplement d'établir un comparatif entre le montant annuel des provisions que le locataire a versé et le décompte des charges réelles que le propriétaire est en droit de récupérer auprès du locataire.
- Suite à cela, le propriétaire sera en droit de demander au locataire le complément de charges ou de lui restituer le surplus, selon le cas.
- À compter de l'envoi de ce courrier, le locataire n'a pas de délai légal pour régler le complément, de même que le propriétaire n'a pas de délai légal pour restituer le surplus. Le locataire peut, s'il le souhaite, attendre de consulter les pièces justificatives pour régler le bailleur.
Tenez les pièces justificatives à la disposition du locataire
- Durant 6 mois à compter de l'envoi du décompte, les pièces justificatives doivent être tenues à la disposition du locataire. Celui-ci peut les consulter s'il le souhaite. Si le propriétaire refuse que le locataire consulte les pièces justificatives, ce dernier peut ne pas régler la régularisation des charges demandée.
- Rien n'est précisé sur la manière dont les pièces sont tenues à disposition. Dans la pratique, le propriétaire enverra copie des décomptes de charges que le syndic adresse aux copropriétaires, ou le décompte établi par le gestionnaire dans un immeuble avec un propriétaire unique, ainsi que la copie de la taxe d'ordure ménagère adressée au propriétaire. Il peut également proposer au locataire de venir consulter les pièces justificatives à son domicile, ou dans la loge de la gardienne s'il y en a une, ou peut les lui apporter.
Bon à savoir : le locataire peut également refuser d'aller consulter les pièces justificatives si l'endroit prévu pour les consulter est trop éloigné du lieu de la location. Dans une jurisprudence, il s'agissait d'un lieu de consultation au Havre pour un bien loué à Paris. L'appréciation se fera au cas par cas.
- Aucune liste légale concernant les pièces justificatives n'existe. Par pièces justificatives, il faut entendre les factures, les contrats de fourniture, la quantité consommée et le prix unitaire pour chaque catégorie de charges. En copropriété, il s'agit du décompte de charges de l'immeuble mentionnant les dépenses générales et le relevé individuel envoyé au propriétaire et qui ne concerne que son ou ses lots, avec les tantièmes y afférents.
À noter : le locataire ne pourra valablement se prévaloir d'aucun droit lui permettant d'exiger de vérifier le contenu des engagements souscrits par une société chargée de l'entretien, par exemple, et d'avoir connaissance du contrat conclu. Il ne peut non plus demander, en copropriété, le montant de toutes les factures car c'est le syndic qui les a et non le copropriétaire. Il peut seulement exiger le relevé des charges individuelles adressé au copropriétaire avec la répartition concernant le lot loué.
Délais de paiement
Si la régularisation est fondée, avec justificatifs à l'appui, et que le locataire a pu examiner les pièces justificatives, il est obligé de payer. Aucun délai n'est imparti pour le règlement. Le propriétaire peut donc choisir lui-même un délai de paiement dans le courrier adressé au locataire. En général, il est demandé de payer dans un délai d'un mois.
Prescription
La prescription pour effectuer la régularisation des charges locatives est de 3 ans, que ce soit pour le bailleur ou pour le locataire. Le propriétaire peut donc demander en 2016 la régularisation des charges pour l'année 2015 et 2014 s'il n'avait pas régularisé en 2014. Cependant, si la régularisation des charges n'a pas été effectuée avant le terme de l'année civile suivant l'année de leur exigibilité, le locataire pourra demander le paiement du surplus, s'il y en a un, par douzièmes.
Exemple : pour 2015, la régularisation doit être effectuée avant le 31 décembre 2016. Si elle est effectuée après cette date, le montant de 125 € demandé par le bailleur pourra être réglé par le locataire en 12 mensualités de 10,41 €.
Bon à savoir : si la régularisation des charges fait apparaître un solde créditeur en faveur du locataire et que vous ne lui remboursez pas ce trop-payé, celui-ci bénéficie d’une action en répétition de charges indûment payées qui se prescrit au bout de 3 ans à compter du jour où vous lui avez communiqué les pièces justificatives de la régularisation (Cass. 3e civ., 9 novembre 2017, n° 16-22.445).
Quels recours en cas de non-paiement ?
Envoyez un commandement de payer par huissier
En cas de non-paiement, le propriétaire a la possibilité d'envoyer au locataire un commandement de payer par huissier, ce qui aura pour effet de résilier le bail au bout de 2 mois si le locataire ne paie pas ce qui lui est demandé.
Mise en demeure de payer les charges locatives Lire l'articleSaisissez la commission de conciliation
Il peut également, s'il ne souhaite pas résilier le bail ni engager une procédure car le montant n'est pas très important, saisir la commission de conciliation pour tenter de régler le litige à l'amiable. C'est bien souvent le locataire qui n'est pas d'accord sur le montant de la régularisation, mais rien n'empêche le propriétaire de saisir également la commission de conciliation si le locataire ne paie pas. Dans chaque département existe une commission départementale de conciliation qui s'efforce de concilier les parties et de rendre un avis dans les 2 mois à compter de sa saisine. Elle est compétente pour résoudre les litiges relatifs aux charges locatives.
- Pour saisir la commission, écrivez une lettre recommandée avec avis de réception en mentionnant l'objet du litige.
- La commission convoquera alors les parties pour les entendre et les concilier :
- En cas de conciliation, la commission établit un document de conciliation comportant les termes de l'accord trouvé.
- À défaut de conciliation, la commission rend un avis qui peut être transmis au juge par l'une ou l'autre des parties. Vous pouvez ensuite saisir le juge du tribunal judiciaire par assignation, par voie d'huissier, pour faire valoir vos droits.
Bon à savoir : le locataire peut lui aussi saisir la commission de conciliation s'il n'est pas d'accord avec les montants demandés, les calculs effectués, s'il remet en doute la véracité des documents présentés ou s'il n'a pas eu la possibilité de consulter les documents. Il devra alors envoyer au propriétaire un courrier recommandé pour lui demander des précisions. Si le propriétaire ne régularise pas les charges et que le locataire pense avoir trop payé, celui-ci pourra demander au propriétaire par lettre recommandée d'effectuer la régularisation des charges, faute de quoi il pourra saisir la commission de conciliation