Le locataire doit respecter les clauses du bail qui le lie à son propriétaire. Il s’agit d’un engagement contractuel.
Mais il arrive parfois que le locataire quitte son logement sans préavis. C’est que l’on appelle « partir à la cloche de bois ». Dès lors, une bataille juridique s’engage pour le bailleur afin de faire respecter ses droits.
Le législateur est intervenu pour rendre la procédure rapide et permettre au bailleur de relouer de nouveau son bien à un autre locataire.
Constat d’abandon réalisé par huissier de justice
Les baux concernés par cette mesure sont ceux issus de la loi du 6 juillet 1989. Le bailleur qui soupçonne son locataire d’abandonner le logement doit lui adresser une mise en demeure aux fins de vérifier qu’il occupe bien les lieux loués (article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Bon à savoir : certains signes avant-coureurs peuvent abonder dans ce sens tels que la boîte aux lettres qui déborde de courrier, des témoignages de voisins attestant de l’absence du locataire.
Cette mise en demeure doit être établie par un huissier de justice (loi du 22 décembre 2010 dite loi Béteille et décret d’application du 10 août 2011) et peut être intégrée dans un commandement de payer en cas d’impayés de loyer, ou dans un commandement de justifier d’une assurance locative.
Le locataire dispose d’un délai d’un mois pour répondre. Le propriétaire n’a pas le droit d’entrer par effraction dans le logement.
Passé ce délai et en l’absence de réponse du locataire, l’huissier peut constater l’état d’abandon du logement. :
- il se rend sur les lieux mais ne doit pas être seul. Il doit être accompagné de certaines personnes : le maire, un conseiller municipal, un agent municipal, les autorités de police ou de gendarmerie ou, à défaut, de deux témoins majeurs sans lien avec l’huissier et le propriétaire ;
- il dresse un procès-verbal de constat d’abandon. Il mentionne l’inventaire des éventuels meubles ainsi que leur valeur respective ;
- il doit s’assurer de la fermeture de la porte du logement lorsqu’il quitte les lieux.
Saisine du juge par le propriétaire en cas d'abandon du logement par le locataire
Le propriétaire peut, dès lors que le procès-verbal d’abandon est établi, saisir le juge. Il dépose une requête au greffe du tribunal judiciaire. Il a également la possibilité de poursuivre la résiliation du bail sur assignation, alternative utile au cas où la requête serait rejetée par le juge.
La requête datée et signée comporte toutes les pièces justificatives (procès-verbal de constat d’abandon établi par l’huissier, copie du bail, copie de la mise en demeure, décompte des sommes dues) et doit à peine de nullité indiquer les éléments suivants :
- si le propriétaire est une personne physique : nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
- si le propriétaire est une personne morale : forme, dénomination, siège social, représentant ;
- dans tous les cas : nom, prénom et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou sa dénomination et son siège social si celle-ci est une personne morale ;
- l’objet de la demande.
Reprise des lieux abandonnés
Ordonnance rendue par le juge
Le juge, en fonction des circonstances, peut décider de prononcer la résiliation du bail et ordonner la reprise du logement. L’huissier procède aux opérations de reprise. Il dresse un procès-verbal qui doit contenir les éléments suivants sous peine de nullité :
- la description des opérations auxquelles il a procédé ;
- l’identité des personnes dont le concours a été nécessaire ;
- la désignation de la juridiction compétente pour statuer sur les contestations relatives aux opérations d’expulsion.
À noter : ce procès-verbal est signifié à la personne expulsée.
L’ordonnance statue le cas échéant sur le sort des biens laissés dans le logement : tout dépend de leur nature.
- Les biens ayant une valeur marchande peuvent être vendus aux enchères publiques sur autorisation du juge.
- Les biens dépourvus de valeur marchande sont déclarés abandonnés. Les papiers et documents personnels du locataire sont mis dans une enveloppe scellée et conservés par l’huissier pendant un délai de 2 ans.
Bon à savoir : le propriétaire doit signifier l’ordonnance au locataire et aux derniers occupants du chef du locataire connu du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la décision du juge. Au cas où ce délai ne serait pas respecté, l’ordonnance devient non avenue.
La signification de l’ordonnance contient des précisions contenues dans les actes d’huissier de justice, à peine de nullité (mention qu’il peut être fait opposition à l’ordonnance par son destinataire, précision faite au destinataire de la durée du délai d’opposition d’un mois, information que le destinataire de l’ordonnance peut prendre connaissance au greffe des documents produits par le bailleur dans un délai d’un mois, alerte au destinataire qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué il perd la possibilité d’exercer tout recours et que bailleur est en droit de reprendre son bien).
Éventuel recours contre l’ordonnance rendue par le juge
Le locataire ou tout occupant de son chef peut former une opposition à la décision du juge dans un mois suivant sa signification.
Passé ce délai, elle a force de chose jugée.
L’opposition obéit au même formalisme que la requête du bailleur. Elle est accompagnée des pièces justificatives (jugement frappé d’opposition, notification de ce jugement au demandeur, pièces de fonds) et doit être motivée. Elle a un effet suspensif sur l’ordonnance.
Si, suite à cette contestation, le juge estime que la demande en justice initiale du bailleur est abusive, le tribunal peut condamner ce dernier à verser une amende civile pouvant aller jusqu'à 10 000 € .
Le procès-verbal de reprise des lieux
Lorsque l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le propriétaire peut reprendre son logement suivant une procédure simplifiée.
Bon à savoir : si le locataire est dans l’impossibilité de former opposition dans le délai d’un mois sans faute de sa part, il peut obtenir un relevé de forclusion. La demande doit être faite au président du tribunal judiciaire dans un délai de deux mois suivant le premier acte signifié.
Coût de la procédure
Le coût de la mise en demeure n’étant pas prévu par le décret tarifaire, il s’agit d’un acte soumis aux honoraires libres :
- Le coût du procès-verbal de constat d’abandon n’étant pas prévu par le décret tarifaire, il s’agit d’un acte soumis aux honoraires libres. À ce coût, s’ajoute la facture du serrurier (environ 170 €) et des témoins (20 €).
- Le coût de la requête présentée au juge n’étant pas prévu par le décret tarifaire, il s’agit d’un acte soumis aux honoraires libres.
- Le coût de la signification de la décision est d’environ 65 €.
- Le coût du procès-verbal de reprise est d’environ 200 €.